L’opéra du Petit Prince
Nous reprenons ici un texte de Bruno Serrou. Allez lire son article !
«S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! » supplie le Petit Prince à l’aviateur-narrateur qui vient de tomber du ciel à travers les nuages au beau milieu du désert… C’est sur cette phrase plusieurs fois réitérée que s’ouvre le superbe opéra que Michael Levinas a tiré de l’un des plus beaux textes de la littérature mondiale, le Petit Prince qu’Antoine de Saint-Exupéry écrivit en 1942. Pour son cinquième opéra, qui a été créé le 5 novembre dernier à Lausanne qui est aussi le second commandé par l’Opéra de Lille où a été donnée jeudi la première française, trois ans après la Métamorphose que le compositeur a adapté de Franz Kafka, Levinas a porté son dévolu sur un roman d’une humanité touchante et d’un onirisme profondément humain et d’une portée philosophique universelle hors normes. Après la partition sombre, sans concession à la lumière de son précédent ouvrage lyrique, le compositeur a pris le contre-pied pour le Petit Prince en concevant cette fois une musique lumineuse, chaude, fluide, cristalline, sonnant presque comme du Mozart dont elle a l’universalité et l’attrait pour la pureté enfantine vue à travers le prisme de l’expérience de l’adulte, exprimant les vraies valeurs de l’Homme, à la fois le merveilleux, la fraîcheur d’âme, l’amitié, la fragilité, l’éphémère, la fidélité, la vérité et le mensonge, la sagacité, la quête philosophique. Toutes valeurs qui font la richesse intellectuelle et sensible du compositeur acquise aux côtés de son père Emmanuel Levinas, l’un des plus grands philosophes métaphysiciens du XXe siècle. « Ce n’est pas rien de constater que le Petit Prince a été conçu quand les deux systèmes totalitaires s’entretuent », m’a rappelé Michaël Levinas durant une conversation d’après spectacle, avant d’ajouter que « considérant la désespérance de l’humanité à l’époque, le Petit Prince ne sauve pas l’humanité mais dit simplement la vérité. »