1900

29 juin : naissance d’Antoine Jean-Baptiste Marie Roger de Saint-Exupéry, troisième enfant (il y en aura deux autres) de Jean de Saint-Exupéry, inspecteur d’assurances, et de Marie de Fonscolombe. Le nom de Saint-Exupéry figure dans la salle des Croisades à Versailles.

1904

Décès de Jean de Saint-Exupéry.

1904 à 1917

Élevé au collège jésuite de Notre-Dame de Sainte-Croix, au Mans, et au collège Saint-Jean de Fribourg, en Suisse. En 1912, pendant les vacances d’été, Antoine effectue son baptême de l’air sur l’aérodrome d’Ambérieu en Bugey.

1917

– Juin : Saint-Exupéry est reçu bachelier.
– Juillet : mort de son frère cadet François.
– Saint-Exupéry prépare l’examen de l’Ecole navale en classe de mathématiques spéciales au lycée Saint-Louis à Paris, puis au lycée Lakanal à Sceaux.

1919

Admissible à l’Ecole navale, Saint-Exupéry échoue à l’oral.

1920

Elève à l’école des Beaux-arts (section architecture).

1921 à 1923

– 1921 : service militaire au 2e régiment d’aviation à Strasbourg. Saint-Exupéry passe son brevet de pilote civil et militaire.
– 1922 : promu sous-lieutenant, affecté au 34e régiment d’aviation au Bourget.
– Janvier 1923 : accident d’avion au Bourget (fracture du crâne). Saint-Exupéry quitte l’armée.

1923 à 1925

Fiançailles, rompues après 3 mois, avec Louise de Vilmorin. Saint-Exupéry est contrôleur de fabrication aux Tuileries de Boiron, puis représentant des camions Saurer.

1926

– 1er avril : sa nouvelle L’Aviateur est publiée dans la revue Le Navire d’argent.
– Octobre : engagé dans la Compagnie Latécoère qui va devenir l’Aéropostale, et qui assure les liaisons aériennes entre Toulouse et Dakar, prolongées, à partir de 1928, jusqu’à Buenos Aires, puis jusqu’à Santiago de Chili et la Terre de Feu.

1927

Octobre : nommé chef d’aéroplace à Cap Juby, au sud marocain, Saint-Exupéry rédige Courrier Sud.

1929

– Nommé directeur de « l’Aeroposta Argentina », Saint-Exupéry s’installe à Buenos Aires.
– Les éditions Gallimard publient Courrier Sud.

1930

Juin : Accident de Guillaumet. Son avion s’écrase dans les Andes. Saint-Exupéry entreprend plusieurs vols pour le retrouver. Guillaumet réussit à se sauver en traversant les montagnes à pied.

1931

– Avril : mariage avec Consuelo Suncin (1902-1979), d’origine salvadorienne mais de nationalité argentine.
– Mai à décembre : Saint-Exupéry est pilote de nuit sur la ligne Casablanca-Port Etienne.
– Publication par les éditions Gallimard de Vol de nuit, qui obtient le prix Femina.

1932 à 1933

En poste à Casablanca, puis, après la disparition de l’Aéropostale, pour faire face à des difficultés financières auxquelles il ne réussira jamais à échapper, Saint-Exupéry s’engage comme pilote d’essai. Accident dans la baie de Saint-Raphaël.

1934 à 1935

Réinstallé à Paris, Saint-Exupéry voyage en Afrique du Nord et en Indochine. Le journal Paris-Soir, l’envoie en reportage à Moscou. Il participe au raid Paris-Saïgon, nouvel accident : son avion s’écrase en plein désert, à 200 kilomètres du Caire.

1936

– Le journal L’Intransigeant l’envoie en Espagne, pour un reportage sur la guerre civile.
– Saint-Exupéry écrit un scénario à partir de Courrier Sud. Pierre Bion réalise le film.
(Photo : Limot)

1937

– A la sollicitation d’Air France, Saint-Exupéry prospecte une ligne aérienne entre Casablanca et Tombouctou.
– Il écrit le scénario d’Anne-Marie.
– Octobre à novembre : Saint-Exupéry dépose quatre brevets d’invention (il en déposera une douzaine jusqu’en 1944).

1938

– Janvier : voyage aux Etats-Unis.
– Février : parti de New York pour atteindre la Terre de Feu, nouvel accident au Guatemala (sept fractures du crâne).

1939

– Février : publication par les éditions Gallimard de Terre des hommes qui obtient le Grand prix du roman de l’Académie française.
– Septembre : mobilisé à Toulouse comme instructeur, il réussit à se faire verser dans le groupe de reconnaissance 2/33, cantonné à Orconte. Saint-Exupéry accomplit des missions dangereuses. Continuées en 1940, ses missions, notamment du côté d’Arras, lui inspirent les pages de son nouveau livre : Pilote de guerre.

1940

– Le groupe 2/33 est replié à Alger.
– Démobilisé, Saint-Exupéry finit par partir, en décembre, pour les Etats-Unis.

1942

– Parution simultanée de Pilote de guerre en France (où le livre est interdit par les autorités de Vichy) et aux Etats-Unis, en version anglaise.
– Eté-automne : Saint-Exupéry rédige et illustre Le Petit Prince, dédié à son ami Léon Werth.

1943

– Avril : les éditions Reynal et Hitchcock publient Le Petit Prince à la fois en français et en traduction anglaise.
– Mai : Saint-Exupéry se rend en Algérie pour rejoindre le groupe 2/33 intégré aux Forces françaises libres. A cause de son âge, il ne réussit que difficilement à se faire accepter comme pilote.

1944

– L’escadrille s’installe en Corse. Saint-Exupéry est promu commandant. Il est autorisé à effectuer cinq missions, il en accomplira huit.
– 31 juillet : Pour sa neuvième mission, Saint-Exupéry est envoyé en reconnaissance pour préparer le débarquement en Provence. Son avion est abattu par un pilote allemand et disparaît en mer.

1948

Publication posthume de Citadelle.

1998

Au large de Marseille, Jean-Claude Bianco, un pêcheur remonte dans ses filets une gourmette au nom de Saint-Exupéry.

2000 à 2003

Une épave de Lightning est retrouvée près de l’île de Riou. Le numéro de série figurant sur la carlingue permet d’identifier l’avion comme étant celui de Saint-Exupéry.

François

De deux ans son cadet, François est le compagnon de jeu d’Antoine de Saint-Exupéry. Il décède à 15 ans, suite à des rhumatismes articulaires. Il a nommé Antoine son « exécuteur testamentaire ». Antoine, qui en est profondément affecté, n’en parlera que 20 ans plus tard : « S’il était constructeur de tours, il me confierait sa tour à bâtir. S’il était père, il me confierait des fils à instruire. S’il était pilote de guerre, il me confierait ses papiers de bord. Mais il n’est qu’un enfant. Il ne confie qu’un moteur à vapeur, une bicyclette et une carabine. »

Louise de Vilmorin

Née le 4 avril 1902, dans une riche famille de grenetiers, elle est la cadette de six frères et sœurs. Durant son enfance, elle ne manque de rien si ce n’est de l’affection de sa mère. Atteinte d’une tuberculose osseuse qui la fait boiter, elle reste un parti très intéressant pour les jeunes hommes qui lui font une cour assidue. Saint-Exupéry réussit à la séduire, mais les fiançailles qui datent de juin 1923 sont rompues après seulement quelques mois. Geneviève, le personnage de Courrier Sud, lui ressemble parfois, et cette expérience amoureuse n’est peut-être pas étrangère à l’élaboration des premiers récits de Saint-Exupéry.

Louise de Vilmorin épouse en 1925 Henry Leigh Hunt, un Américain richissime, dont elle divorce en 1937 pour épouser le comte Paul Pállfy.

Mondaine et « branchée », Louise de Vilmorin est l’auteur de plusieurs livres à succès, et un personnage important de la vie parisienne d’avant et d’après la Deuxième Guerre mondiale. A la fin de sa vie, elle devient la compagne d’André Malraux.

Elle meurt en 1969, laissant derrière elle une œuvre sans consistance et frivole, et une importante correspondance.

The Aviator

L’Aviateur est le premier texte publié par Antoine de Saint-Exupéry. Il avait rencontré dans le salon de sa cousine Yvonne de Lestrange, Jean Prévost, secrétaire de rédaction de la revue Le Navire d’argent, qui, après avoir lu la nouvelle, accepte d’en publier six fragments dans le numéro d’avril 1926. Le manuscrit s’est perdu et il est difficile d’imaginer ce qu’était la nouvelle dans son intégralité, probablement une première ébauche de ce que deviendra Courrier Sud, puisque le personnage principal est déjà Jacques Bernis. Celui-ci réussit à « s’évader » (le titre initial du texte était L’Evasion de Jacques Bernis) deux fois. Une première fois, en devenant aviateur, il s’échappe d’un milieu contraignant et veule. Le vol lui offre une liberté que lui refuse la vie ordinaire. Jacques Bernis s’évade une deuxième fois par sa mort qui a l’air d’un accident. Elle vient, en fait, sanctionner des jeux aériens trop osés, un trop audacieux usage de la liberté obtenue par sa première « évasion ».

L’Aéropostale

Dans les années 20, le ciel est un terrain inexploré et dangereux. Les pilotes sont de véritables aventuriers qui risquent leur vie dans des appareils balbutiants, vulnérables et dont les appareils de bord sont rudimentaires. A la fin de la Première Guerre mondiale, le constructeur d’avions Pierre-Georges Latécoère envisage une ligne aérienne pour transporter le courrier de Toulouse, où se trouvent ses usines, à Casablanca, puis, en 1926, jusqu’à Dakar et enfin jusqu’en Amérique du Sud. Il crée la société des Lignes aériennes Latécoère, dont Saint-Exupéry, Mermoz et Guillaumet sont les premiers « héros ». Latécoère cède ses lignes sud-américaines à Marcel Bouilloux-Lafont, qui fonde la Compagnie générale aéropostale, plus connue sous le nom d’Aéropostale. Didier Daurat nomme Saint-Exupéry « chef d’aéroplace » à Cap Juby (Tarfaya, Maroc), puis directeur de l’Aeroposta Argentina, au moment où les vols de l’Aéropostale se prolongent jusqu’en Terre de Feu et, par-dessus les Andes, jusqu’à Santiago de Chili.

1931 est une année noire. Le crash de la bourse de New York de 1929 et l’indifférence des autorités françaises conduisent l’Aéropostale à une liquidation judiciaire. En 1933, à la sollicitation de l’Etat, les compagnies privées se regroupent pour donner naissance à Air France qui rachète la Compagnie générale aéropostale. Tenu à l’écart, Saint-Exupéry, engagé comme pilote d’essai d’hydravions par Latécoère, ne rejoint Air France qu’en 1934 dans le service de promotion appelé à l’époque de « propagande ». A ce titre, il écrit plusieurs articles (souvent non signés) pour la revue de la Compagnie Air France.

Southern Mail

Courrier Sud reprend en l’amplifiant le premier texte publié en 1926 par Saint-Exupéry dans la revue Le Navire d’argent, la nouvelle L’Aviateur. Pilote des lignes Latécoère, Jacques Bernis achemine le courrier vers l’Amérique du Sud. Il survole le désert où un atterrissage d’urgence mettrait sa vie en péril. La solitude et le danger le poussent à chercher le sens de son existence. Il découvre que le bonheur de la vie ordinaire avec Geneviève, la femme qu’il aime et qu’il voudrait enlever à son mari, est en conflit avec les rigueurs de son métier et les sacrifices que doit accomplir celui qui veut donner un sens à sa vie. Si Jacques Bernis a choisi un métier qui le fait voyager, c’est aussi parce que « voyager c’est changer de chair » ; et que celui qui veut voyager loin, au-delà de lui-même, doit choisir un navire plus durable que celle-ci. Geneviève revient auprès de son mari et Jacques continue sa quête – à la façon de Saint-Exupéry, peut-être, qui avait dû rompre ses fiançailles avec Louise de Vilmorin dont la famille trouvait qu’il faisait un métier trop dangereux.

Citation :
« Il faut autour de soi, pour exister, des réalités qui durent. »

Henri Guillaumet

Ami intime de Saint-Exupéry, Henri Guillaumet est l’un des meilleurs et des plus intrépides pilotes de sa génération. Né en 1902, ce pionnier de l’aviation et de l’Aéropostale a ouvert des voies dans les Andes et au-dessus de l’Atlantique nord et sud. Saint-Exupéry, lui a dédicacé son livre Terre des hommes.

Le 13 juin 1930, alors qu’il survole les Andes pour l’Aéropostale, Guillaumet s’écrase en pleine montagne sur un site appelé la Laguna Diamante. L’aviateur marche pendant cinq jours et quatre nuits. Il sait que si l’on ne retrouve pas son corps, sa femme ne touchera l’assurance que dans quatre ans. Au bout d’une semaine, il atteint un village. Lorsqu’Antoine de Saint-Exupéry vient le récupérer, Guillaumet lui dit : « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait. »

L’avion de Guillaumet est abattu le 27 novembre 1940 par un chasseur italien au-dessus de la Méditerranée.

Consuelo Suncin

Consuelo Suncin Sandoval de Gomez est née le 10 avril 1901 à Arménia, au Salvador, fille d’un colonel, propriétaire d’une plantation de café, un des hommes les plus riches du pays. A 22 ans, elle se sépare d’un premier mari rencontré pendant qu’elle faisait des études d’art à San Francisco. Elle rejoint l’écrivain mexicain José Vasconcelos à Paris où elle épouse Enrique Gomez Carrillo, écrivain guatémaltèque de presque 30 ans son aîné. Veuve à 26 ans, Consuelo revient en Amérique du Sud où elle se fait connaître par ses peintures et ses sculptures.

En 1930, elle rencontre Antoine de Saint-Exupéry dans les salons de l’Alliance française de Buenos Aires. Ils se marient une année plus tard, le 22 avril 1931 à Agay. Sa robe de mariée en dentelle noire choque, et la famille de son mari l’accueille avec réticence.

Ses relations avec son mari sont tumultueuses et passionnées, souvent déconcertantes. Ils se repoussent pour mieux s’attirer, et s’éloignent pour mieux se rapprocher par des lettres qui témoignent de leur affection réciproque. Quand elle est avec lui, Saint-Exupéry la réveille souvent en pleine nuit pour lui lire ce qu’il vient d’écrire, et lorsqu’elle n’est pas là, dans sa correspondance, il l’appelle « ma rose », ce qui n’est pas sans nous rappeler celle du Petit Prince, orgueilleuse, capricieuse, gâtée, unique, fascinante, merveilleuse, insupportable, irremplaçable. Elle continue à peindre et ses relations très amicales avec les peintres surréalistes influencent son propre style.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec l’accord de Saint-Exupéry (en exil à New York), elle rejoint dans le Luberon un groupe d’étudiants des Beaux-Arts. A la tête de ce groupe, Bernard Zehrfuss organise un réseau de résistance. Consuelo rejoint Saint-Exupéry à New York et déniche, à la demande de son mari, la maison de Long Island où celui-ci écrit Le Petit Prince.

Après la mort de son mari, à la fin de la guerre, Consuelo revient en France et vit entre Paris et Grasse, partagée entre son activité de peintre et de sculpteur et ce qu’elle entreprend pour célébrer son mari. Consuelo de Saint-Exupéry meurt à Grasse en 1979. Elle est inhumée au Père Lachaise.

Son journal a été publié en 2000 aux éditions Plon sous le titre Mémoires de la rose.

Night Flight

A un moment où la navigation aérienne se faisait à vue et où les pilotes se guidaient d’après le relief, estimaient le danger d’une tempête d’après la forme et la couleur des nuages, ayant la possibilité, en cas de panne, d’atterrir dans un lieu qui, d’en haut, leur semblait convenable, l’Aéropostale, pour écourter le délai de livraison du courrier, inaugure les vols de nuit. Toute erreur devient mortelle, toute faiblesse catastrophique. Il ne s’agit pas uniquement d’améliorer les appareils et les instruments de bord mais d’aguerrir les hommes. Le courage est une façon de se dépasser, la discipline un combat avec le désordre du monde. Rivière, le responsable du réseau, est intransigeant avec ses hommes parce qu’il tient à leur vie, et Fabien, le pilote, affronte la mort non pour acheminer des plis mais parce qu’il fait de son devoir le sens de l’existence. La mort devient une victoire, même si celle-ci se paye avec les larmes et les souffrances de la vie ordinaire.

Citation :
« L’homme était pour lui [Rivière] une cire vierge qu’il fallait pétrir. Il fallait donner une âme à cette matière, lui créer une volonté. Il ne pensait pas les asservir par cette dureté mais les lancer hors d’eux-mêmes. »

Crash landing in the desert

Le 30 décembre 1935, à 2 h 45 du matin, l’avion de Saint-Exupéry et de Prévot, s’écrase dans le désert libyen. Leur réserve d’eau est perdue et les deux hommes n’ont que très peu de provisions. Ils décident d’affronter le désert. Après trois jours de marche, épuisés, n’ayant pour boire que la rosée du matin, ils sont sauvés par une caravane de Bédouins. Ils arrivent sains et saufs au Caire où Consuelo rejoint son mari. Donnés pour mort, les deux rescapés font la une des journaux. Saint-Exupéry raconte cette aventure en six articles publiés par le journal L’Intransigeant.

Courrier Sud, the movie

Adapté par l’auteur pour l’écran, il est réalisé par Pierre Billon avec Pierre-Richard Willm, Charles Vanel, Jany Holt et Gabrielle Dorziat. Les tournages commencent en octobre 1936 à Mogador, au Maroc. Grâce aux relations confiantes qu’il a établies avec les tribus nomades, Saint-Exupéry, présent sur les lieux, obtient le concours des Bédouins qui font de la figuration. Il pilote lui-même pour des prises de vues aériennes et se fait même cascadeur lorsque l’aviateur du film se récuse.

Accident in Guatemala

Le 14 février 1938, Saint-Exupéry et Prévot quittent New York au bord de leur Simoun pour battre le record New York – Punta Arenas, en Terre de Feu. La première étape se déroule sans accrocs. Au décollage de Guatemala City, suite à une confusion dans les unités de mesure (le galon guatémaltèque est différent de celui américain), en raison de la surcharge de carburant, l’avion s’écrase en bout de piste. « Quand on m’a retiré de l’avion, j’étais le plus gros débris », dira plus tard Saint-Exupéry qui reste plusieurs jours dans le coma. On lui décèle sept fractures du crâne et il risque de perdre son bras. Il se remet difficilement mais gardera des séquelles et sera de nouveau hospitalisé en 1941.

Wind, Sand and Stars

Le récit des exploits des pilotes de l’Aéropostale, et de quelques autres épisodes heureux ou malheureux de sa vie d’aviateur, permet à Saint-Exupéry de proposer une méditation sur la condition de l’homme et le sens de l’existence. Enfermé dans une « écorce » (que certains s’emploient à épaissir), l’esprit s’assoupit si l’homme ne fait pas des efforts pour le tenir éveillé. La lutte ininterrompue et courageuse pour apprivoiser la matière qui nous résiste, un combat que nous menons les mains nues ou avec des instruments tels la charrue ou l’avion, nous donne la possibilité de découvrir notre vocation au monde. Nous sommes hommes par les responsabilités que nous acceptons, qui nous poussent au don de soi et au sacrifice. La grandeur en est la récompense mais, dans l’Europe de 1939, Saint-Exupéry trouve de son devoir de préciser qu’il préfère ceux qui meurent « pour le progrès de la connaissance ou la guérison des malades » à ceux qui pourrissent dans la guerre. Terre des hommes reçoit le grand prix du roman de l’Académie française et, aux Etats-Unis, le National Book Award.

Citations :

« Seul l’esprit s’il souffle sur la glaise peut créer l’homme. »

« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. »

Flight to Arras

Il y a méprise. En Amérique, où Saint-Exupéry a trouvé refuge, la capitulation de la France apparaît comme une conséquence de sa déchéance morale. Par ailleurs, pour des stratèges qui jugent de la force d’un pays uniquement en comptant ses bouches de feu, elle ne pèse pas lourd dans le combat contre le nazisme. Le récit des missions accomplies du 23 mai au 6 juin 1940 par le groupe d’aviation 2/33 dont il faisait partie, permet à Saint-Exupéry de rendre hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie non pour gagner une bataille (que la France a perdue) mais pour exalter la force d’une civilisation à même de donner aux hommes des valeurs plus importantes que l’existence individuelle. Saint-Exupéry croit à la victoire parce qu’il croit aux vertus d’une tradition spirituelle qui offre à chacun des raisons de croître, de se dépasser, de se sacrifier pour bâtir le monde.

Témoignage bouleversant de la débâcle de juin 1940, manifeste d’une France qui refuse la défaite et œuvre de réflexion sur les fondements de la civilisation chrétienne, Pilote de guerre est publié simultanément aux États-Unis (sous le titre Flight to Arras) et en France où le livre est finalement interdit par les autorités allemandes d’occupation, qui avaient pourtant donné leur accord. On lui reproche entre autre les pages où l’auteur rend hommage au courage exceptionnel et au patriotisme du colonel Jean Israël à un moment où les Juifs sont persécutés et pourchassés. Plusieurs éditions clandestines de Pilote de guerre circulent en France, diffusées par les mouvements de résistants. Aux Etats-Unis, où il est longtemps en tête des ventes, le livre de Saint-Exupéry contribue à rectifier l’image de la France aux yeux de l’opinion publique et des hommes politiques.

Citations :

« Il faut restaurer l’Homme. C’est lui l’essence de ma culture. C’est lui la clef de ma Communauté. C’est lui le principe de ma victoire. »

« Chacun est responsable de tous. La France est responsable du monde. »

Léon Werth

Léon Werth est né le 17 février 1878 à Remiremont, dans les Vosges, fils d’un drapier juif. Après des études brillantes, lauréat du grand prix de Philosophie au concours général, il devient chroniqueur et critique d’art, et mène une vie de bohème. Esprit indépendant et anticonformiste, il est un adversaire du parti clérical et un critique ironique de la vie bourgeoise. En 1913, son roman La Maison blanche manque de peu le Prix Goncourt. Mobilisé en 1914, il passe quinze mois dans les tranchées. Blessé, il quitte le front et sera désormais un pacifiste convaincu. Publié en 1919, son récit Clavel Soldat fait scandale. Dans les années 20 et 30, Léon Werth condamne avec la même fermeté le colonialisme français – à contre-courant de l’opinion publique –, le totalitarisme stalinien et la montée du nazisme. Il rencontre Saint-Exupéry en 1931 et une amitié durable et profonde lie les deux hommes, ce dont témoigne la dédicace du Petit Prince.

Réfugié dans le Jura pendant l’occupation, Léon Werth publie en 1946 Déposition, témoignage poignant sur la vie des Français pendant l’Occupation.

Léon Werth meurt à Paris en 1955.

Posted missing

Le 31 juillet 1944, Saint-Exupéry doit faire un repérage des côtes françaises en vue du débarquement des Alliés en Provence. C’est une neuvième mission, alors qu’ayant dépassé l’âge, il n’avait reçu l’autorisation que pour cinq. Il décolle à 8 h, avec 6 heures de carburant dans le réservoir. A 13 h, pas d’avion à l’horizon, à 14 h plus d’espoir.

Les circonstances de la disparition de Saint-Exupéry sont un mystère complet, jusqu’en mars 2008 : le 31 juillet 1944, les radars allemands repèrent un avion ennemi. Horst Rippert, un jeune pilote, reçoit l’ordre de décoller et de le prendre en chasse. Rippert ouvre le feu, touche l’avion aux ailes et le voit s’écraser en mer. Quelques jours plus tard, Rippert apprend qu’il a abattu l’avion de Saint-Exupéry. Il est mortifié : il connaît l’écrivain, dont il aime les livres, et, de renommée, le pilote qu’il admire. Pendant 64 ans, Rippert qui travaille dans la presse, garde le silence. Des journalistes découvrent par hasard des documents concernant sa mission du 31 juillet 1944. Ils le questionnent, et Horst Rippert rompt le silence. Il confirme les faits dans un entretien télévisé. « Si j’avais su, je n’aurais pas tiré. Pas sur lui », dit-il.

The Wisdom of the Sands

Ébauché dès 1936, cet ouvrage posthume a été élaboré en même temps que les derniers récits de Saint-Exupéry : Terre des hommes, Pilote de guerre et Le Petit Prince. Il s’agit d’un recueil de réflexions sur la condition de l’homme, et d’un réservoir où Saint-Exupéry puise pour nourrir ses écrits. Il est difficile d’imaginer la forme finale d’un texte dont nous savons que l’auteur avait l’intention de corriger – ce qui, pour lui, signifiait une réécriture.

Il n’en reste pas moins qu’à travers les 219 chapitres – dont l’ordre n’est peut-être pas celui que l’auteur aurait privilégié s’il avait pu achever son travail – se dessine une vision cohérente de l’existence. Entre l’espace animal (incohérent et périssable) auquel nous appartenons par notre chair, et celui de Dieu, vers lequel nous conduit l’esprit, la vie des hommes est un effort continuel d’organiser la matière brute, de contraindre la glaise à acquérir un sens qui « noue » les choses et leur offre un grain d’éternité, à la façon des briques qui deviennent cathédrale. Notre grandeur se mesure d’après notre capacité à créer le sens – qui s’invente comme dans les jeux des enfants – et à dépasser ainsi notre condition mortelle par la quête d’un Dieu, clef de voûte à même de réunir dans une signification unique, inconcevable pour nous, tout ce qui existe.

Citations :

« Citadelle, je te construirai dans le cœur de l’homme. »

« L’homme, disait mon père, c’est d’abord celui qui crée. »

« Créer, c’est créer l’être et toute création est inexprimable. »

« Je sais que l’esprit seul gouverne les hommes et qu’il les gouverne absolument. »

« Certes, il est un instinct vers la vie. Mais il n’est qu’un aspect d’un instinct plus fort. L’instinct essentiel est l’instinct de permanence. »

« Je ne sais plus m’y reconnaître si Tu n’es clef de voûte et commune mesure et signification des uns et des autres. »